Virus CONIMB et "rente de monopole"

(Comme promis dans un précédent billet)

La consommation imbécile (CONIMB) est la maladie la plus répandue dans les pays occidentaux, ainsi que sur une bonne part de la planète. Elle se décline sous de multiples variantes : fashion addict, etc.
Autant la kleptomanie est finalement peu répandue, autant la consommation imbécile est carrément devenue une caractéristique majeure de nos sociétés.

La consommation imbécile se manifeste à travers 2 vecteurs principaux :
- consommation imbécile individuelle/personnelle : CONIMB-I,
- consommation imbécile publique/gouvernementale : CONIMB-G.
Dans les 2 cas, la consommation correspond au mieux à un gaspillage improductif, au pire à l’assouvissement (et l’aggravation) d’une addiction. Dans les 2 cas, s’agissant de consommations contraires à l’intérêt du consommateur (eg empiffrage=>obésité, jeux de hasard=> ruine, etc), d’importants moyens de convictions doivent être mis en oeuvre pour convaincre le con-sommateur d’aller à l’encontre de son propre intérêt.
La télévision est évidemment un instrument majeur dans la panoplie des outils à employer. Ne serait-ce que grâce à l’étendue des bombardements publicitaires qu’elle permet.
Malheureusement, se passer de télévision ne suffit plus aujourd’hui pour échapper à la pression publicitaire. Chaque con-sommateur atteint devient aujourd’hui l’homme-sandwich ravi  (et encore plus ravi de vous le montrer) du produit acheté. Voitures, chaussures, tee-shirts, électro-ménager, nourriture pour chats, vacances, etc, le concours de quéquettes ne s’arrête quasiment que pendant votre sommeil. (“La solitude est la condition de la liberté.”)

Ces 2 consommations présentent aussi la caractéristique d’être vendues par des monopoles/oligopoles suffisamment puissants (verrouillage des sous-traitants, verrouillage de la distribution, verrouillage des esprits), pour fixer le prix de leurs produits bien au-delà du prix de production (pour fixer les idées : disons 10% au-delà du prix s’ils n’étaient pas oligopoles).

A/ Pour ceux qui sont à l’intérieur de ces oligopoles, il y a une cohérence : certes ils sont aussi consommateurs et payent trop chers les produits achetés … mais comme ils vendent également trop cher, au final ils s’en sortent.
B/ Pour ceux qui sont à l’extérieur de ces oligopoles, il y a un hiatus : ils sont consommateurs et payent trop chers les produits achetés … mais comme ils vendent leur propre production à un “juste prix” (non oligopole), au final ils ne s’en sortent pas.
Le souci aujourd’hui, c’est que les humains de type B/, appelons-les bêtas, sont de loin les plus nombreux.
(Samir Amin appelle “rente de monopole” ce hiatus.)

Le hiatus a démarré doucement, et est maintenant solidement en place depuis au moins 20 ans.
Ce hiatus est-il durable/pérenne ? Etes-vous éternellement condamnés à payer 80 euros une paires de chaussures qui en vaut 5, simplement car votre enfant vous le réclame les larmes aux yeux ?
Face à un monopole, il ne faut, par définition, plus compter sur la loi de l’offre et de la demande. Si vous voulez vraiment en bénéficier … il faudrait déjà commencer à reconstituer une offre digne de ce nom, or vous le voyez bien en faisant vos courses … vous n’avez plus beaucoup de choix.
Avant ce découplage entre producteurs “normaux” et producteurs monopolistiques, les choses se passaient de manière à peu près équilibrée. Le marché fonctionnait … puisqu’il y avait un marché.
Aujourd’hui, pour beaucoup de produits, il n’y a plus de marché. Seul reste un comptoir avec un vendeur unique.

Années après années, non seulement l’effet du hiatus est cumulatif, mais en plus il s’aggrave.
Les bêtas s’en sortent de moins en moins bien. Le hiatus entre valeur de leurs outputs et de leurs inputs les ronge petit à petit.
Quelle a été la 1° solution mise en place pour remédier aux malheurs des bêtas ?
Je vous le donne en mille : il s’agit de l’endettement.
Un hiatus s’est développé, mais faute de savoir comment le résorber, on s’efforce de le combler.
On puise dans l’avenir (qui sera meilleur qu’aujourd’hui, tout le monde sait ça), via de bien obligeants créanciers, de quoi remédier à nos soucis présents.
Cette situation de remplissage permanent d’un seau troué est la situation actuelle.
Il faut hélas noter que, face à ce problème majeur, cette solution d’endettement est l’apanage de tous les gouvernements. Rien ne les distingue sur ce plan fondamental.

Je n’ai pas détaillé la CONIMB-G, mais fondamentalement la seule différence est qu’au lieu de devoir organiser votre malheur vous mêmes, l’état/la région/la mairie se charge de gaspiller votre argent à votre place. Le travail est évidemment plus efficace puisque effectué par des professionnels. Les 2000 milliards de dette publique française le démontrent clairement.
Les professionnels ont par ailleurs à leur disposition des outils que n’ont pas les particuliers. Le surendettement (arme ultime face à l’endettement) est ainsi interdit aux particuliers, et est le privilège exclusif de l’état. Pas étonnant qu’il obtienne de meilleurs résultats.

Mais … peut-on, à titre privé, ou à titre public, s’endetter perpétuellement et repousser perpétuellement le moment d’arrêter ?
Nos classes dirigeantes (navigantes ?) nous assurent que oui. Nous ne devrions donc pas douter.
J’essaierais néanmoins  d’aborder les possibles issues à ce problème, désormais aigu, dans un autre billet.

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